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samedi 20 octobre 2012

L'once arrive à Lyon 2...

Courriel du 27 août 2010, 17H49
 
L’once est, tout comme un autre protagoniste important de l'histoire à laquelle plein de monde me dit ne rien comprendre, elle aussi, revenue du désert.
 Entre ses crocs, une peau de vipère, et… le précieux venin, bien sûr.

Trottinant par monts et par vaux, l’once arrive dans ce pays aux odeurs étranges, pas très agréables à vrai dire.
 Ce pays où certaines personnes l’ont traitée de « bohémienne ».






Et non seulement l’ont traitée de « bohémienne », mais se sont alors mises à lui jeter des pierres.
Cependant, l’once n’est pas fille du vent pour rien : telle le zéphyr, la voilà qui s’est envolée de l’assemblée
Hostile, et de ses méchantes pierres.
Drôle de pays que ce pays qui pue, et semble en être fier. 
Mais faut-il se fier à ce qui semble être ?

L’once continue son chemin, ne faisant pas cas du mauvais accueil. Du délit de faciès : t’as un faciès de fauve, dégage de là ! Semblent, souvent, dire les regards des gens sur sa route.

Oui, peut-être, mais moi, ma toilette, je la fais tous les matins, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, rétorque la fille du vent.
 Face aux boules quiès des habitant/e/s qui puent du pays qui pue.
Et à leurs pierres.

Le pays pue parce qu’il a oublié qu’il faut du vent pour changer les odeurs néfastes
En rencontres fastes.

Alors l’once ne rencontre personne. Même en Sibérie, en plein permafrost et si loin au-delà des limites de l’oekoumène, c’était moins désert, on dirait.

Et lorsqu’elle fait halte, à l’étape, on la traite de « clandestine », voire on lui dit qu’elle constitue, à elle toute seule rendez-vous compte, un « campement illicite ».
 Mais le mauvais accueil, lui, n’est jamais illicite ?

L’once finit par arriver à sa destination.
 Avec la peau de la vipère, et son précieux venin, qu’elle n’a pas lâché d’entre ses crocs.

C’est au moins aussi accueillant que le reste du pays, ici : ça commence par des grilles, avec des gros barreaux métalliques. Les grilles enferment, enserrent un bâtiment apeuré, un peu délabré, vieux et d’architecture rachitique, pour ne pas dire laide.
Franchement, on est au milieu de nulle part, et ces grilles semblent du coup vraiment surannées.
Passée l’entrée, des yeux machiniques et high tech suivent l’once du regard, tout le temps, sans répit ni repos.
La seule chose moderne ici : les yeux machiniques.
Agacent l’once, qui sait très bien ce que c’est « observer ou être observé/e » : elle, oberve pour chasser. Elle, observe ses proies. C’est d’un désagréable, d’être observée ainsi par cette multitude d’yeux, tout le temps,
Comme une proie.
 L’once ne se sent pas l’âme d’une proie.
Les yeux l’agacent comme la taon agace la vache.

Mais il faut passer alors elle passe, parcourant le long et large couloir intérieur, sous le regard des yeux voyeurs.
« Pour votre sécurité » …
Elle arrive, ainsi, aux escaliers, qu’elle monte prestement, reconnaissant les odeurs
Qui changent des puanteurs.
Il y a là celle de celui qui parle avec les fauves. Le seul à y parvenir, notez bien : lorsqu’il voit un fauve, il lui demande, tout simplement : « qu’en dit le fauve ? ». Le fauve, tout surpris d’être nominativement interpellé, répond, bien sûr.
Et puis il y a, au milieu de plein d’autres, celle de l’apothicaire. 
Son destinataire.
Mais elle semble un peu ancienne : on dirait qu’il n’est pas venu depuis des mois.
Ce n’est pas normal.
 L’odeur elle-même n’est pas normale.

En bas, en passant, au milieu des vilains yeux machiniques, trainaît l’odeur du livre moisi par les gouttes de pluie qui tombent du plafond dans les rayons [de la BU], mêlée à celle, plus percutante, de l’amiante qui voltige entre ces mêmes rayons,
Jolie poussière
Dans la lumière
Si poétique
A respirer …

C’était pas comme ça dans la vitrine, ‘achement mieux achalandée sur la première page du site internet. Mais ici, c’est ainsi : l’herméneutique du sujet, de Michel Foucault, par exemple, en a pris pour son grade. Un conseil : évitez de la prendre en prêt d’été, sinon votre appart’ va embaumer le champignon de juin à septembre …

Cependant que je discoure, l’once parvient au palier,
Situé en haut de l’escalier.

J'ajoute que j'aurais volontiers écrit la suite du présent courriel depuis un ordinateur de la BU de ces locaux, mais, las, les claviers tapaient une lettre sur deux, et lorsque j'en ai parlé au bibliothécaire présent, il m'a répondu, l'air désabusé : "oui, ils sont tous comme ça, et ça risque de durer longtemps. On n'est pas la priorité, ici".
Bref, revenue sur les quais du Rhône, je trouve un clavier qui marche bien, les locaux sont plus jolis, plus seyants, et je peux continuer mon récit.

Si elle savait lire, l'once lirait avec nous le papier, scotché à l’entrée du seuil qu’elle franchit alors, et qui débouche sur un couloir :
« CREA’tif, coiffure pour H ».
 Sur le papier, CREA est marqué en caractères sortis d’un ordinateur, «‘tif, coiffure pour H » a été écrit à la main, par un/e auteur/e inconnu/e, visiblement d’humeur plaisantine.

Le couloir débouche sur une grande salle centrale, entourée de bureaux.
Dont celui, ancien, de l’apothicaire.
Devant lequel l’once dépose la peau et le venin, tels un butin, et s’assied, attendant le retour de ce dernier.

C’est un peu la rentrée, dirait-on, alors commencent des allées et venues, autour de l’once qui semble invisible à la majorité. 

L’once, de son œil félin, observe attentivement les mouvements.
Parfois, elle est visible, pour certain/e/s, et ils/elles se gaussent alors d’elle, lui expliquant que l’apothicaire ne reviendra jamais, ou bien qu’il s’en fiche d’elle, ou bien que ceci, que cela …
Mais l’once, imperturbable, surveille son butin, et, comme l’attente promet d’être longue, se roule en boule autour, et dort, d’un œil, au milieu du silence et de l’indifférence, nappés de médisances.
 L’once sait très bien que l’apothicaire a besoin de la peau et du venin, sinon il ne pourrait continuer d’être apothicaire. 
L’once a, de surcroît, très bien senti l’odeur : elle n’indique aucunement, et c’est une certitude, l’exactitude des propos médisants tenus là juste au-dessus.
L’apothicaire va revenir, et en attendant, elle veille sur le butin.
Encore quelqu’un
Tiens
Qui passe lui dire : « mais tu devrais chercher un autre apothicaire, ailleurs : celui-ci t’as abandonnée, tu vois bien ! ».
L’once, têtue comme une bourrique, regarde d’un air sceptique
Son interlocuteur/trice.
 Qui soupire, et retourne vaquer à ses occupations, dépité/e de n’avoir point convaincu l’animal.
L’animal, têtu, reste là et attend son apothicaire préféré, et c’est tout. 
Ce n’est pas à n’importe qui
Qu’on confie
Du venin de vipère de Sibérie
A transformer en sérum.
Ce n’est pas à n’importe qui
Qu’on fait don d’une peau de serpent ramenée de si loin.
En passant, l’histoire ne dit pas si la vipère y a laissé juste la peau, ou bien si l’once a fait festin et mangé là à sa faim. "Avoir eu la peau du serpent" : c’est à dire, pour un serpent, pas grand chose, vu la facilité qu’ont, précisément, ces animaux à changer de peau... Didier Anzieu, auteur d'un ouvrage intitulé "le moi-peau", s'est-il d'ailleurs demandé ce que pourrait bien être le moi d'un tel être ?
Le moi d'un être qui change de peau comme de chemise ...
Damned.
Un de ces quatres, il va falloir que je trouve l'adresse mail de Didier Anzieu pour l'ajouter à la présente liste.

Tiens, un nouvel humain vient gesticuler,
En vain,
Devant la bête
Qui n’en fait qu’à sa tête
Et lui dit du regard : « cesse de médire de l’apothicaire, je sais tout de même bien ce que je sens ».

Le discours est plein de conseils, et les conseils sont comme des flèches qui indiquent à l’once une unique direction : dehors, loin.
Alors l’once réplique, en langage humain pour se bien faire comprendre :

« les conseilleurs sont pas les payeurs ».
Et de reprendre son attente, devant la porte du bureau, dormant d’un œil, les pattes sur son butin. Dans le silence …

Dans le silence.

(...).

« 2) Silence et secret

Dorothée Dussy et Léonore Le Caisne (2007, p 13-30) remarquent que la situation incestueuse a pour élément fondateur le silence. Silence qu’elles ne définissent pas, et que j’avais proposé pour ma part, dans mon travail de master 1 (Perrin, 2008, p 6), de conceptualiser comme suit : « le silence est (…) à la base de la subjugation. Le silence dont il est question ici est celui des victimes qui ne parlent pas de l’abus, même si elles en souffrent. La première cause de ce silence est simple : l’absence de recours. Si un enfant est victime d’abus de la part d’un parent, vers qui peut-il se tourner pour recevoir de l’aide ? Se taire signifie pour lui survivre, mais à un prix incroyablement élevé. La deuxième cause est l’entourage. Lorsque l’enfant demande de l’aide, son discours et son expérience sont souvent niés par la famille immédiate qui évite de faire face à la situation. Le silence n’est donc pas qu’une absence de paroles. C’est une relation créée et maintenue par des individus selon des règles implicites. [souligné par moi] Or, pour briser le silence, il faut non seulement raconter mais également être écouté et cru par quelqu’un. Le silence existe lorsque l’enfant se tait, mais il existe aussi lorsque la fille dit à sa mère que son père l’a violée et que la mère refuse de la croire. » (Stéphane La Branche, 2003, p. 28).

Dorothée Dussy ajoute (Dussy, 2004) que seule la rupture de ce silence peut perturber une situation incestueuse, donc que tant que rien n’est dit (et, j’ajoute : cru, entendu …), rien ne bouge. » (Perrin, 2010, p 76)

 

 

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