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mercredi 6 février 2013

Le reniement (panthera uncia, suite)


Courriel du 12 septembre 2010
Objet : “le reniement”
(C'est, ici, la suite de l'histoire, qui n'a rien à voir avec nous comme cela a déjà été précisé).
Mais l’apothicaire persévère
Et les autres, autour,
La mine sévère
Obtempèrent
Obéissant
Aveuglément
Au maître.

Oubliant
Qu’il est stupide, parfois,
D’obéir au maître.


Certain/e/s voient bien, maintenant, qu’il s’agit du chat du logis, qu’il est précieux, qu’il faut le garder. Ils et elles regrettent d’en avoir eu peur, d’avoir voulu le chasser. Un/e/tel/le voudrait bien reposer son balai contre le mur, un/e autre lâcher ses pierres dans le pré d’à côté.
Mais maintenant, l’apothicaire désigne l’animal comme coupable, le pointant d’un index accusateur. Et personne pour oser aller lui souffler à l’oreille, gentillement : « ne crois-tu pas que tu fais erreur ? ».
Sans doute dit-il vrai, nous lui faisons confiance depuis si longtemps.
Sans doute nous trompons-nous, quand nous avons des scrupules naissants à chasser cette terreur.
Sa place est au zoo, pas au labo !
Ainsi la stupidité œuvre-t-elle à la tragique issue : le groupe a maintenant, en la personne de l’apothicaire, un leader.

L’once sait très bien ce qui se passe, avec les humains, dans un cas comme celui-ci : c’est absolument sans espoir.

Les humains ont en effet cette étrange caractéristique que, dès que l’un/e des leurs est en avant d’un groupe, c’est comme si le groupe était un seul bloc, dont ce leader constituait le cerveau, cependant que le reste du groupe agit comme un seul corps, obéissant au cerveau.

La seule solution, alors, pour interrompre le processus en cours, est de sauter violemment sur ce leader, et de le mettre hors d’état de nuire. A tout le moins, de le blesser suffisamment sérieusement pour faire exemple. Alors le reste du groupe se disloque pour se transformer en individus, peureux et enfin rendus à eux/elles-mêmes, individuellement.

Par la terreur ainsi instillée, l’attaquant/e peut même parfois devenir à son tour leader de ce nouveau groupe : on appelle cela un tyran. Un régime politique dont il y eut de multiples variantes dans l’Histoire de cette espèce animale si étrange et unique.
Tout cela n’existe nullement chez les félins, qui ont du mal à concevoir ce que peut être un groupe. Les félins restent toujours individualisé/e/s. Aussi, la panthère examine en étrangère sa situation : intellectuellement, elle sait que la seule solution pour rester est celle-là : sauter férocement sur l’apothicaire … mais émotionnellement, elle ne comprend pas.
Alors, comme elle ne veut pas la guerre, même si on ne cesse ici de la lui déclarer. Et comme elle refuse absolument de dépecer l’apothicaire, ou même simplement de le blesser, car elle tient à lui, il ne reste que deux autres solutions.
La première est de rester et d’attendre la suite, c’est à dire, comme conseillé par un barbu qui a fini cloué vif sur une croix, de tendre l’autre joue … aux pierres, balais et autres engins de mort.
La deuxième est de partir avant que les pierres ne tombent.
Alors, la mort dans l’âme, le ventre noué d’amertume, jetant un regard affligé à l’apothicaire, qui a l’air malin, à rejeter ainsi son propre félin devant tout le monde, l’once se lève, ramasse la peau du serpent et son venin, signifie en gestes à son ex-allié : « puisque tu n’en veux pas, je les reprends, adieu. Puisses-tu regretter ».

Et ajoute, toujours en gestes, pleins d’amertume et de résignation devant le choix qui lui est imposé :

« qui m’aime me suive ».

A ce signal, au milieu de l’assemblée humaine, se lèvent, une à une, toutes les divinités du lieu.
C’est un triste spectacle, que le divorce entre les humains et les félins …

Le doigt de l’apothicaire se fait tremblant, comme hésitant, mais il est trop tard : derrière lui, les troupes sont maintenant aveuglément déterminées.
La panthère les regarde : « vous l’avez voulu, votre exorcisme. Vous l’avez. Je suis désolée de ce qui nous arrive, à vous et à nous. C’est triste comme la mort ».

Le buste d’Allan Kardec, dans la bibliothèque, déploie ses jambes et ses bras, et se met au côté de la panthère. Il est accompagné de la photo de Philippe Jacquin, dont ce dernier sort, en compagnie des deux ou trois indien/ne/s qui y sont présent/e/s à ses côtés. Ainsi que d’André Leroi-Ghouran, le premier anthropologue du lieu.

Du bureau à la déco louche sortent successivement : Jemanja, Oxala, mais aussi Jeanne d’Arc, Charlemagne, le petit et redoutable gendarme bleu marine, la vierge noire et tous les autres.



La couronne de plumes accrochée au mur se change en l’oiseau qu’elle est – un ara – et vient se poser sur l’épaule d’Oxala, qui semble quant à lui, triste au possible, et regarde l’apothicaire d’un air implorant que cesse cette folie.



Les colliers de coquillages ne bougent pas, mais les âmes des coquillages rejoignent Jemanja.

D’un autre bureau, viennent les djinns.

Puis, du bureau de gauche en entrant, viennent, d’une part, Shiva, tournant et dansant dans sa roue, et Bouddha, qui pour la première fois depuis longtemps décroise ses jambes et se lève de sa légendaire position du lotus méditatif.
D’autre part, l’ensemble des esprits issus du vaudou haïtien rejoignent également la troupe.
Du bureau du fond, nous voyons arriver les personnages les plus illustres : le chat botté, shéhérazade en personne, les elfes cordonniers, souchinet, la belle au bois dormant, Nils Holgerson et les oies sauvages, Hansel, Gretel, la maison de pain d’épice et la vilaine sorcière, l’ogre et ses bottes de sept lieues, le petit poucet, blanche-neige, l’oiseau bleu, peau d’âne, barbe bleue et ses victimes, le vilain petit canard, l’empereur nu et les escrocs qui ont prétendu l’habiller, le rossignol, l’élève qui en remontra à son maître, Jack et son haricot, Tom Pouce, Aladin et la lampe, le bonhomme de pain d’épice, les trois boucs bourrus et le Troll d’en-dessous du pont, Madame Noot, le petit Nils, les douze chameaux, le méchant Ali Beg et bien sûr l’immense et magnifique couvre-pied en patchwork magique, Outroupistache, et bien d’autres encore, tant les contes sont innombrables.

Bien sûr, se joignent aussi ici quelques personnages déjà rencontrés dans la présente histoire : le renard statistivore, etc.

Du bureau aux coquillages sans âme, sortent également quelques kamis qui avaient commencé à investir le lieu, ainsi que des esprits de la forêt amazonienne et des cabocles.


Enfin, du bureau du fond sort, mais oui, en personne, le Général de Gaulle, emportant avec lui un vieux poste de radio TSF dont on se demande ce qu’il va bien pouvoir faire, tant la cause est perdue.
Mais le Général de Gaulle y tient, il part avec, ou bien autant rester ici. C’est que le Général de Gaulle, tout de droite qu’il est, est tout de même une sacrée tête de mule, n’admettant, tout comme Jeanne d’Arc, jamais la défaite.

A la main, il a également un p’tit papier griffonné, qu’il s’empresse de dissimuler dans une de ses poches, ne souhaitant le montrer à personne.

Alors la panthère commence à marcher, tête basse comme une panthère triste, en direction de la porte qui mène à l’escalier et, partant, à la sortie. Passant devant la jeunette assise sur une chaise où est marqué en gros :« I’m the best », elle retient un deuxième regard glacial et meurtrier, qui se transforme en regard de pitié : quand on est « the best », il n’est pas besoin de l’écrire. Tu ne dois pas être bien sûre de ce que tu es, pour vouloir voler les trophées des autres et écrire ainsi sur ta chaise … en plus, sous des dehors très assurés et arrogants, d’un œil félin, tes tremblements dus au stress se voient trop.

C’est ainsi que, suivie par toutes les créatures sus-nommées, l’once sort du laboratoire.
Dehors, sur l’écriteau, « CREA’tif » est redevenu « CREA ».
 
L’apothicaire et tou/te/s les autres lui ont bien dit de partir ailleurs …alors il faut que l’once parte ailleurs, pour refuser leur guerre fratricide. Pire, déicide et humanicide.
Cependant qu’elle retraverse le long couloir du bâtiment un peu vieillot et délabré, derrière elle, shiva s’emploie avec malice à faire des bras d’honneur aux yeux machiniques, en variant toutes les compositions possibles de ses 4 bras longs. Je vous laisse le soin de calculer le nombre de bras d’honneur différents que Shiva a fait ce jour-là … son côté espiègle. Il ne faut pas se formaliser, c’est Shiva, c’est comme ça.

Le bâtiment, vu de dehors


Arrivée dehors, dans la couche de neige fraîche, et poudreuse, et blanche, devenue, on ne sait comment, boue informe, la panthère voit encore s’ajouter au cortège triste les chats du lieu, ceux qui s’occupaient des souris des alentours du campus.
Elle est ainsi rejointe par tous les félins de l’endroit. En outre, ces derniers prennent soin, avant de le quitter, de le marquer de telle sorte qu’aucun autre félin ne viendra jamais plus s’y installer.

Participant moi aussi du cortège, car suivre les félins est une vieille habitude dont je ne suis jamais parvenue à me défaire, je demande à la panthère où nous allons.
Elle me répond d’un regard : à l’horizon, nous voyons les grandes montagnes, les Alpes.
Il nous faut nous rendre porte des Alpes, et franchir la porte, m’est-il précisé.




Lecteur, lectrice, comme toute cette histoire n’a rien à voire avec toi, ni avec ton lieu de travail ou celui de tes collègues, sache que bien évidemment, le chemin entre le campus décrit dans la présente fiction (c’est une fiction, hein, rien à voir avec le réel), et porte des Alpes, ça fait au moins 2h de marche, juré craché.

Arrivé/e/s au lieu dit « porte des Alpes », nous nous arrêtons devant un pilier de pont d’autoroute, pas loin d’un paysage désolant de centre commercial : on peut lire, pas loin du tout,« Darty », et « Toy’s R’us ».
Exu, l’ouvreur de chemins, file alors 4 craies à Shiva, et lui dicte le dessin de la porte. Shiva s’empresse, bien sûr, de la dessiner à sa manière, juste pour contredire quelque peu Exu.

Une fois la porte créée, Shiva, comme il a des mains, est chargé également de l’ouvrir.
Ainsi accédons-nous aux Alpes, en franchissant la porte des Alpes.

La porte, ouverte, laisse voir un rideau constitué de branches de saule pleureur, que nous franchissons, un/e à un/e.
Passé/e/s de l’autre côté, l’once me fait signe de lui donner ma corde : « il va y avoir du brouillard ».

Elle me tend la peau et le venin de la vipère de Sibérie, et prend, en retour, le bout de la corde entre ses crocs. Chacun/e s’y accroche à sa manière, derrière elle, et nous commençons à monter par le sentier empierré, qui s’enfonce dans le brouillard, un brouillard de plus en plus épais …

Au loin, de l’autre côté de la porte des Alpes et du rideau de feuilles de saule, je ne sais ce que deviennent les humains qui ont choisi d’avoir peur de leurs créations.
Je sais juste que, lorsque les esprits, divinités et autres êtres mythiques du lieu se sont levées, il y avait de la révolte, un air de dire :« vous avez fait affront à l’une des nôtres en refusant son offrande. Nous n’accepterons, à notre tour, plus aucune offrande de votre part. Les échanges sont rompus et le seront tant que cet affront ne sera pas réparé. Ne comptez plus sur nous ».
Le brouillard est maintenant à couper au couteau, signe probable que nous allons bientôt en sortir … et, comme chacun/e, je me demande comment la panthère fait pour trouver le chemin d’un air si sûr, sans hésiter.
Et par moments, j’ai la sensation, étrange, que la première de cordée n’est pas une panthère, mais une mule au pied sûr et à la détermination inébranlable.
Ainsi la panthère-mule nous mène, à travers le brouillard, dans les montagnes, juste derrière la porte des Alpes …

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