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mardi 7 mai 2013

Variations autour de la voix off - III - "de la victime au conflit...ou l'inverse ?"


Le courriel ci-dessous reproduit a été mis comme pièce à charge dans le dossier pénal constitué contre son auteure, Sophie Perrin. Il est censé y illustrer sa violence, sa virulence, sa volonté de harcèlement moral envers l’université Lyon 2 et/ou ses membres, etc, par l’envoi « de centaines de messages électroniques à une liste mail constituée de centaines de destinataires ». Il constitue ainsi les pages 52 à 61 d’un dossier de 200 pages de ces insupportables courriels qu’il faut à tout prix faire cesser, soit 4,5% de ce dossier, ce qui, cumulé avec les pièces précédentes, nous mène à 17% de ce volume.

Il comporte une première grande partie, constituée de réflexions critiques autour des concepts de harcèlement moral, de pervers narcissique, de victime… cette partie est largement appuyée sur un texte trouvé sur internet, à cet endroit.
Ensuite, nous assistons en direct dans le courriel à une irruption intempestive de la voix off…dont nous allons découvrir, en fin de ce couriel, surprise, la véritable identité !

    Ca, une pièce à charge ? Des propos condamnables pénalement ?
    Que mon public juge, sur pièce, encore une fois.



Envoyé le : Mer 13 octobre 2010, 16h 36min 27s
Objet : de la victime au conflit ? ou l'inverse ...



Que les rares personnes qui vont recevoir ce mail en doublon m'excusent : c'est que gmail est vraiment une petite nature (ou alors, il a voté la grève reconductible ce matin, pour garantir nos retraites ). Hop, un p'tit tour par yahoo et ça passe (et ensuite, je vais encore avoir pendant 7 jours à taper un code à chaque envoi de mail pour bien vérifier que je ne suis pas une machine ... tssss.
    Il y a trois ou quatre ans, ni yahoo ni google ne faisaient tant d'histoires).

Notez que c'est sophieperrinbis-universite, et non sophieperrin.universite, l'expéditeur, car cette dernière adresse est toujours censurée par le serveur de Lyon 2 suite à intervention humaine manifeste.

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Allez, à mon tour d'apporter quelques pierres au débat.

Premier envoi du jour : une réflexion sur la victime qui n'y est pour rien dans ce qui lui arrive, car elle n'a pas eu de chance et s'est retrouvée face à un horrible pervers narcissique.

En plus, ça peut intéresser tou.te.s les syndicalistes présent.e.s sur cette liste (sans parler bien sûr des chercheurs.euses qui bossent sur le travail).

Je vous dirai d'où ça vient un peu plus tard.

"Les impasses du harcèlement moral

Du domaine des attentats et des catastrophes, les problématiques victimologiques ont gagné le champ du travail. Des cliniciens ont souligné que nombre de situations de souffrance au travail impliquaient la responsabilité de tiers et imposaient de passer d’un modèle de la souffrance trouvant son origine dans l’histoire infantile, à un modèle impliquant un agresseur et une victime.

Cependant, même si elles introduisent, en position tierce, la société, ses règles et son système judiciaire, les approches du type harcèlement moral en restent à une représentation élémentaire qui ne prend pas en compte la réalité des enjeux et des contextes autour desquels se nouent ces drames.

Ce contexte est marqué par la diffusion de nouvelles modalités de conflits qui, dans la plupart des cas, ne trouvent pas à s’exprimer dans les formes collectives héritées des époques antérieures. En arrière fond, il y a les mesures de libéralisation des 25 dernières années et l’exacerbation de la concurrence qu’elles ont délibérément suscitée, avec pour résultat, dans le domaine qui nous occupe, une très nette intensification du travail. Les conséquences en termes de pathologies physiques et mentales sont connues (Davezies, 2003).

Mais ces évolutions ont aussi transformé la nature des relations nouées autour du travail. En effet, l’intensification se traduit dans de nombreux secteurs par une pression à l’abattage. Entre le manager focalisé sur ses indicateurs de gestion et le technicien qui engage son identité sur la qualité de son travail, le fossé se creuse. Au détriment de la qualité. Chacun se débrouille alors comme il peut avec les manquements qui lui sont imposés. Les repères communs définissant un travail bien fait s’estompent, des dissensions surgissent entre collègues, le sentiment de valeurs partagées tend à se dissoudre et avec lui la solidarité, la capacité collective à affirmer le point de vue du travail face à l'abstraction de la prescription.

A la mesure de cet affaiblissement, s’installe une extrême sensibilité aux remarques de la hiérarchie ou du public. Dans de telles situations, nous observons, chez certains agents, un désarroi extrêmement profond.

L'activité en mode dégradé imposée par la pression à l’accélération est vécue dans le registre de l’indignité personnelle. Des salariés se trouvent, face aux observations et remontrances, dans l'incapacité de savoir comment orienter leur activité pour la rendre conforme aux attentes de la hiérarchie, jusqu'à des états d'inhibition susceptibles de mettre gravement la santé en danger.

C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’explosion du thème du harcèlement moral. L’accusation permet d’exprimer à la fois le sentiment d’une illégitimité des pressions auxquelles on se trouve soumis et l’individualisation des dilemmes et des conflits du travail. Cependant, le diagnostic de harcèlement moral ne fait pas que nommer la situation. Il a un effet de mutation, souvent exprimé sur le mode de la révélation : « Pendant des mois, j'ai souffert sans comprendre ce qui m'arrivait. Maintenant je sais - j’ai lu Hirigoyen - je suis victime d'un harcèlement moral ». Il y a avant et après. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait ; dorénavant, je sais : je suis une victime.

A y regarder de près, cette transformation pose au moins deux questions : celle des critères de ce diagnostic, celle de ses effets sur la personne.

Le diagnostic est généralement posé par des praticiens qui n’ont aucune formation en clinique du travail. Ignorer le travail conduit logiquement à des explications en termes de psychologie individuelle. Le clinicien tente bien de distinguer ce qui relève des pressions légitimes concernant le travail à fournir et ce qui relève du harcèlement moral. Mais il ne perçoit pas qu’il existe aujourd’hui un très grand trouble sur la définition du travail, et que les discours à ce sujet sont bien souvent paradoxaux. Ce caractère paradoxal devient donc, pour lui, l’indice d’une personnalité perverse. Le diagnostic est porté sur le constat que " les procédés de l’agresseur ne suivent pas les règles habituelles de la pensée logique, ni celles de la raison " (Kreitlow, 2002). Sans voir que, dans nombre de situations, c’est l’organisation du travail, non la structure de personnalité du chef, qui est à l’origine de comportements qui semblent échapper à la logique et à la raison.

A partir de là, la victime voit ses perspectives s’assombrir. Le message qui lui est adressé est terrifiant : vous êtes confronté à la volonté de destruction d’un pervers narcissique. Vous êtes engagé dans un combat à mort. Beaucoup d’éléments laissent penser que cette interprétation peut avoir, par elle-même, un caractère traumatique. Parce qu’elle est en grande partie impensable et parce qu’elle ne semble pas ouvrir sur des modalités de résolution favorables aux victimes.

La question de l’impensable est très importante. Hirigoyen (2001) le souligne : dans le harcèlement moral, « ce qui rend fou, c’est la perte de sens ». Mais le diagnostic lui-même participe à cette perte. Parce qu’il ne parvient pas à aider la victime à penser la situation, le psychiatre la considère comme vide de sens. La notion de pervers narcissique exprime alors le renoncement à pousser plus avant l’analyse. L’interprétation accentue à son tour l’incapacité de la victime à penser son histoire : elle est tombée sur un pervers comme d’autres sont pris dans un tremblement de terre. C’est cette incapacité à donner sens à une histoire qui s’est pourtant bien jouée dans le domaine des relations interhumaines qui lui confère son caractère traumatique.

A partir de là, l’évolution est incertaine. Il est parfois présumé que la reconnaissance par la justice a un effet thérapeutique. Il s’agit d’une croyance qui ne repose sur aucune donnée scientifique. Dans certains cas, la quête d’une réparation judiciaire pourrait même entraver le processus de guérison (Regehr, 2002).

Par ailleurs, de forts doutes existent aujourd’hui quant à l’efficacité des méthodes courantes de prise en charge des traumatismes psychiques. Le domaine le plus documenté est celui du debriefing psychologique mis en oeuvre dans les suites d’un stress aigu. Or les évaluations actuelles soulignent que cette modalité de prise en charge pourrait être sans effet sur l’évolution, ou même avoir un effet négatif en matière de santé, y compris lorsque les victimes affirment que cela les a aidé (Arendt M, 2001 ; Van Emmerick AA, 2002).

Au premier rang des hypothèses envisagées pour expliquer ces constats, il y a l’idée que la prise en charge spécialisée participe à une disqualification du soutien que pourraient apporter les proches dans la famille ou au travail. Fassin et Retchman (2002) soulignent d’ailleurs, à partir de l’étude du cas d’AZF, la « mise à distance des profanes » et « la disqualification des techniques ordinaires de consolation ». La seule communauté d’appartenance proposée par le diagnostic est celle des victimes.

Au final, nous constatons que, très généralement, les salariés perdent leur emploi, n’obtiennent pas réparation devant la justice et présentent des séquelles traumatiques graves qui témoignent de la difficulté à intégrer cet épisode dans leur histoire.

Il y a lieu de s’interroger sur ce que recèle de violence un diagnostic qui transforme le patient en victime. En effet, démontrer que quelqu’un est une victime implique une double affirmation : d’une part, son malheur trouve son origine dans un phénomène hors du commun, ce qui justifie une réparation particulière ; d’autre part la victime n’y est strictement pour rien, la responsabilité de l’agresseur est donc indiscutable. Cette démonstration tend ainsi à aggraver la distance de la victime à sa communauté et à sa propre histoire.

Mais le même drame peut être envisagé sous un autre jour. L’expérience montre en effet que l’on retrouve quasiment toujours un conflit de travail à l’origine de la dégradation de la relation. Au travail, ce qui relie les humains, ce n’est pas d’abord le sentiment ; c’est la confrontation de points de vue sur les façons de traiter les objets du travail. A l’origine de ces conflits, il y a toujours des différents sur la façon de se comporter vis-à-vis de tel ou tel de ces objets. L’expression des personnalités en présence donne ainsi expression et forme à des contradictions et conflits de logiques tout à fait réels qui traversent l’entreprise.

Dans un second temps, l’absence d’issue se traduit par une dégradation des relations dans lesquelles la haine peut prendre une place croissante et réaliser un tableau qui légitime le diagnostic de harcèlement moral. Contrairement à ce que postule le modèle victimologique, la dégradation ne s’est pas produite indépendamment de l’histoire personnelle de la victime. Les cliniciens du harcèlement soulignent systématiquement que le harcelé est généralement quelqu'un qui aime son travail : « Il existe un curieux phénomène qu’on peut observer chez les victimes de harcèlement. Ces personnes ont, en effet, développé un sens de l’esthétique et du beau, de l’harmonie des choses et du travail bien fait » ( Kreitlow, 2002).

Ne pas pousser l’élaboration du côté de ces dimensions positives de l’engagement revient à priver la victime d’une ressource importante pour sa reconstruction. Derrière l’affrontement des personnalités, apparaît un conflit de valeurs dont l’élucidation rend la situation intelligible. Il est ainsi possible de réinscrire l’épisode dramatique dans le monde de l'action humaine.

Mais ce gain de compréhension quant aux perspectives en présence est aussi un élément de reconstruction des liens sociaux dans la mesure où c’est sur la base de perspectives et de valeurs partagées que se construisent les causes communes et les solidarités. C’est aussi ce qui permettra d’interroger l’organisation du travail.

Le problème auquel nous sommes confrontés est donc délicat. Il est évidemment nécessaire de s’interposer lorsque des salariés sont soumis à des agissements qui menacent leur santé et, de ce point de vue, nous partageons le souci des promoteurs de la notion de harcèlement moral. Cependant, cette notion est aujourd’hui associée à l’idée d’une attaque par un pervers narcissique. Cette interprétation fixe l’incapacité à penser la situation, à en débattre avec autrui et à agir pour lui donner une issue créatrice.

Opter pour le harcèlement moral revient, de ce fait, à engager la victime dans une problématique de rupture. Au contraire, orienter l’élaboration dans le sens du conflit permet un travail de liaison au plan social comme au plan psychique. Car, comme le soulignait Simmel, le conflit fait lien. La préservation de la santé et de l’insertion sociale comme le retour sur la prévention passent par là. "


Intéressant, n'est-ce pas ?

Si je suis sous le feu des tirs à boulets rouges, c'est peut-être parce que je ne pouvais renoncer à ma conception du travail, exigeante, pendant que d'autres supportaient de tomber dans le malheur du.de la travailleur.euse condamnée à produire de la daube (ex dans la recherche : produire de l'article et du bouquin au kilomètre dans les revues les plus "mainstream" de sa discipline, fusionner son petit labo convivial avec d'autres parce que la mode est aux usines de recherche, etc).

Voilà qui a, au moins, un sens, à défaut de faire évoluer le conflit ...

Néanmoins, les propos suivants m'intéressent :

"A partir de là, la victime voit ses perspectives s’assombrir. Le message qui lui est adressé est terrifiant : vous êtes confronté à la volonté de destruction d’un pervers narcissique. Vous êtes engagé dans un combat à mort."

C'est précisément, d'une part, le résultat final du conflit au taf (ou ailleurs) qui évolue mal. ex : le professeur des universités qui dit à l'étudiante, venue consulter sa copie dans son bureau "je ne peux pas faire de démagogie : vous n'avez pas le niveau pour entrer en master 2, et je ne ferai pas comme certains collègues qui donnent des notes démago et ensuite vous vous écroulez en master 2. Vous n'avez pas votre place en master 2 recherche, mademoiselle". Le conflit pas assumé comme tel, ici, c'est celui qui fait dire, juste après, à ce prof : "moi, les anthropologies périphériques, je suis pour qu'elles restent à la périphérie.". La copie ayant obtenu 8/20 se terminait précisément par une référence, positive, auxdites anthropologies périphériques ... mea culpa.

L'étudiante doit rester à la périphérie du master 2 recherche ... ?

De facto, il y a bien ici engagement d'un combat à mort (universitaire) et une volonté de destruction (de la place de l'étudiante -supposée- adepte de théories insupportables alors au correcteur).
    D'un coup, dans le bureau, l'étudiante voit ses perspectives s'assombrir ...

L'auteur enchaîne :

"Beaucoup d’éléments laissent penser que cette interprétation peut avoir, par elle-même, un caractère traumatique. Parce qu’elle est en grande partie impensable et parce qu’elle ne semble pas ouvrir sur des modalités de résolution favorables aux victimes. "

Eh oui, mais parfois, c'est un peu plus qu'une interprétation, c'est devenu une réalité !

Et que dire sur la victime d'abus sexuels, bon, déjà au taf (harcèlement sexuel, bien passé à la trappe et sous silence depuis l'arrivée du terme "harcèlement moral"), mais pour en revenir à mon sujet, dans sa famille alors qu'elle est enfant ?

En effet, à partir du début des abus par papa, frangin, tonton ou maman ou autre apparenté.e,

"la victime voit ses perspectives s’assombrir. Le message qui lui est adressé est terrifiant : vous êtes confronté à la volonté de destruction d’un pervers narcissique. Vous êtes engagé dans un combat à mort."

Et ce message, il est contenu dans les actes abusifs de l'apparenté.e et dans le silence parfois complice des autres. Il est bien réel.

Et pour désigner tout ce monde : les personnes victimes de harcèlement moral au travail suite à un conflit implicite qui a mal tourné, les personnes victimes d'inceste, etc, un seul mot, censé les résumer toutes : "victime".

A partir de là, je note la facilité qu'il y a à disserter sur "la victime", ou "les victimes", mais on ne précise plus de quoi.

En effet, peut-on trouver du sens à la situation incestueuse de la même façon qu'à celles décrites ici pour le travail ?

Je n'ai pas l'impression.

D'abord, l'enfant victime n'a encore rien eu le temps de faire. Son crime est d'exister là, on dirait.

Il.elle n'a même pas eu le temps de se forger une situation de victime de harcèlement car attaché.e à la beauté de son travail ...

Bref, nous voilà, dans ce cas de figure, ramené.e.s au combat à mort, à une personne mineure d'âge et nouvelle dans le monde confrontée à la volonté de destruction d'un.e (ou plusieurs) apparenté.e.s qui, certainement, sont donc bien des "pervers narcissiques".

Mais l'auteur poursuit :

"La question de l’impensable est très importante. Hirigoyen (2001) le souligne : dans le harcèlement moral, « ce qui rend fou, c’est la perte de sens ». Mais le diagnostic lui-même participe à cette perte. Parce qu’il ne parvient pas à aider la victime à penser la situation, le psychiatre la considère comme vide de sens. La notion de pervers narcissique exprime alors le renoncement à pousser plus avant l’analyse. L’interprétation accentue à son tour l’incapacité de la victime à penser son histoire : elle est tombée sur un pervers comme d’autres sont pris dans un tremblement de terre. C’est cette incapacité à donner sens à une histoire qui s’est pourtant bien jouée dans le domaine des relations interhumaines qui lui confère son caractère traumatique. "

Ben ... c'est un peu ça, non, précisément, ce qui se passe pour les personnes qui ont été victimes d'inceste ?

"A partir de là, l’évolution est incertaine. Il est parfois présumé que la reconnaissance par la justice a un effet thérapeutique." mais selon l'auteur, ce n'est pas prouvé scientifiquement.

Bref, voilà un article très intéressant pour toutes nos situations de travail où il y a des problèmes qualifiables de "harcèlement". Mais complètement inutilisable pour les situations d'inceste ...

"Victime", c'est donc un mot qui cacherait une très grande diversité de vécus et de contextes.

Sauf que la phrase ci-dessous m'intéresse aussi pour les situations d'inceste :

"le diagnostic lui-même participe à cette perte. Parce qu’il ne parvient pas à aider la victime à penser la situation, le psychiatre la considère comme vide de sens. La notion de pervers narcissique exprime alors le renoncement à pousser plus avant l’analyse. "

Alors j'ajoute que la notion de "pervers narcissique", c'est comme une étiquette hors du temps : comme si le méchant était né comme ça (ou presque), et donc comme si c'était sa nature, qui n'a jamais changée au fil du temps.

Bref, ce diagnostic, pour moi, a pour tort de nier l'histoire.

Il nie qu'avant d'être un père ou un frère ou une mère incesteur.euse, l'abuseur.euse n'avait jamais abusé.

Il nie qu'il y a eu une entrée, à un moment donné, dans un parcours de démolisseur d'enfant.s.

Il ne s'intéresse pas à l'histoire singulière du groupe (ici, familial) où se sont produits ces actes destructeurs, ni à l'histoire de la société dont est imprégnée ce groupe ("le psychisme, c'est de la culture introjectée", source : cours de François Laplantine, et donc j'ajoute "le psychisme de l'appareil psychique groupal familial, ça doit bien être itou").

Peut-être qu'il y aurait du sens à retrouver là, dans l'histoire singulière d'une part, et collective d'autre part ...

Mais voilà que la voix off fait irruption, d'un coup, sans prévenir, comme d'hab, dans la discussion.

Elle a l'air bien remontée.

Hein ? Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? J'ai du mal à entendre, tu sais ...

La voix off augmente le volume et dit : "mais j'en ai marre de toi !!! Putain de crébonsang j'en ai marre des étiquettes que tu me colles !!".


Oh, hé, ho, on se calme, la voix off, là ?

Tout le monde te déteste ici, et a bien raison : je rappelle aux nouveaux arrivant.e.s que dans l'histoire, tu es la voix qui veut toujours tout dominer, que tout le monde lui obéisse, etc, enfin, tu es un vrai tyran, faut pas te laisser faire, et c'est d'ailleurs pour ça qu'à mon grand regret, il faut toujours que je te coupe le micro à la fin.

Crois moi, c'est pas de gaité de coeur.

"Mais j'en ai marre de toi !!! Putain de crébonsang j'en ai marre des étiquettes que tu me colles !!

Bon sang, mais vous n'avez pas compris, depuis le début, comment vous êtes tou.te.s arnaqué.e.s ?".

Ouh ... mais tu vas te taire, toi. Attends que je retrouve le bouton du volume du canal sur lequel tu parles, sur la table de mixage.

"Ah non, là j'en ai vraiment marre ! Si tu me coupes ce canal, j'en prendrai un autre, puis un autre, puis encore un autre ! Mais cette fois, vous allez m'écouter, crébonsang de crébonsang !!"

Tutututututututututut !

Tu vas te calmer, sinon je te mets sous la douche (froide) pour te remettre les idées en (bonne et saine) place.

"VOUS ALLEZ M'ECOUTER ET TOI CA SUFFIT MAINTENANT. LA BOUCLE A TON TOUR : Y'A QUE TOI QUI PARLE ICI, J'EN AI MARRE !!

POURQUOI PERSONNE COMPREND QUE C'EST TOI LA VOIX OFF, ET PAS MOI, à la fin ?".

Alors là, j'éclate de rire, excusez-moi : quelle est cette idée délirante ? (et je fais le signe "toc toc", qui veut dire "elle est folle", de la main).

"avoue que c'est toi, allez. T'as même pas les couilles d'assumer. T'es vraiment lamentable. Mais en plus, tu le sais, depuis le début, que c'est toi, la voix off, et pas moi."

Non mais comment ça ? Explique ? Vas-y ?

"Eh bien, oui, la voix off, c'est bien cette voix qui se situe hors du film, et qui décrit et commente tout ce qui s'y déroule ? Toi, tu fais quoi, depuis le début ?"

Ah oui. Mais ma cocotte, justement : comme c'est moi qui nomme les choses dans le film, eh bien c'est moi qui décide de qui est la voix off. C'est moi qui ai ce pouvoir, et donc c'est toi la voix off.

"Et vous la croyez ? Mais vous êtes con.ne.s ou quoi ? Vous voyez bien comment ça marche ?! Je ne suis qu'une pauvre voix parmi d'autres, et depuis le début, elle me fait passer à vos yeux pour le mal en personne ! C'est scandaleux !".

(Bon sang, mais où est passé ce bouton "off" ... rrrrrh ... sur quel canal s'est mise cette foutue voix qui veut me démasquer ... rrrrrh ... qui lui a donné les clefs .... rrrrrrh ?).

Ecoute ma vieille, ce qui est scandaleux, c'est qu'à ce stade du présent courriel, je n'aie pas encore pu te mettre off. La coutume l'exige, pourtant, et tu t'y opposes honteusement.

Alors s'il te plait, plies toi à la règle qui exige que la voix off soit mise off à la fin, comme à chaque fois.

"Ben t'as qu'à te taire ! C'est quand même pas de ma faute, si t'es devenue la voix off parce que tes collègues les chercheurs.euses étaient trop timides pour te tenir la réplique comme moi je l'ai fait depuis le début.
    Moi, je t'ai tenu la réplique, c'était pour qu'il n'y ait plus de voix off, mais un dialogue à au moins deux voix. Et toi, de quoi tu me traites ? De voix off ! Ah mais, regarde toi dans un miroir : tiens ! Là, tu vois ?
Ben c'est toi, qu'es devenue malgré toi et moi, la voix off de cette histoire".

Et là, lecteur, lectrice, je dois dire que devant l'image dans la glace, je reste bouche bée,

c'qui fait qu'la voix off
Comme le veut la coutume
Ben elle est off.

[Au moment du présent courriel où,  soudainement,  la voix off fait irruption dans le texte, et me désigne, moi l’auteure de ces lignes, comme étant la vraie voix off de l’histoire, le service juridique de Lyon 2 a déposé une annotation manuscrite, en marge.

Ce commentaire de manuscrit est intéressant. L’agent du service juridique de Lyon 2 (un cadre A, tout de même…) a noté : "cohérence du propos ?".

Mon propos est pourtant très cohérent : il s'agissait, de manière littéraire, de mettre en lumière un processus en train de se faire dans la réalité, en utilisant la fiction "voix off".

La "voix off", dans un texte ou un film, est celle qui est pourvue du pouvoir de nommer les situations, les gens, de les décrire, et est supposée détentrice de l'objectivité, donc les "descripteurs", les "étiquettes" qu'elle leur accole, sont perçus par tou.te.s comme exacts.


Dans le texte, je suis la vraie voix off, et je stigmatise "la voix off" depuis juillet 2010 en la désignant comme étant une affreuse "voix off" (allusion aux ouvrages de François Laplantine où il en parle toujours de manière très négative, notamment voir l'ouvrage "Leçons de cinéma pour notre époque"). Cet implicite était connu de toutes les personnes - nombreuses dans ma liste mail - qui lisent François Laplantine.

Nous assistons ici, à la rébellion de la soit-disant "voix off", contre l'étiquette infamante que je lui assigne dans le texte.

La note manuscrite faite au nom de l'université, en marge de page, peut alors apparaître comme suit : dans son texte sur mon texte, l'université est la "voix off" qui a le pouvoir de me désigner d'une étiquette "objective", à laquelle tout le monde croira comme une évidence factuelle, puisque c'est elle qui a le "pouvoir de parole". Ici, l'étiquette posée par l'université à mon encontre est : "cohérence des propos ?".

Je vous laisse en juger…]

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